La Communauté internationale baha'ie est une organisation non- gouvernementale dotée du statut consultatif auprès de l'organisation des Nations Unies, et compte des communautés membres aux niveaux local et national dans plus de 140 pays. Nous souhaitons vivement appuyer sur les activités de l'organisation des Nations Unies visant à réaliser les objectifs énoncés dans la Charte des nations Unies, lesquels correspondent aux principes Bahá'ís qui reflètent notre foi profonde dans l'unité du genre humain, en les faisant connaître et en y collaborant sur le plan pratique.
L'année internationale du logement des sans abri peut s'avérer être une "période de transition cruciale" pour évaluer "l'ensemble des conceptions et méthodes nouvelles ou existantes" en vue de définir "des politiques et des stratégies nouvelles tendant à améliorer les logements et les quartiers où vivent les pauvres et les défavorisés".Alors que ce siècle d'évolution rapide touche à sa fin, on constate un changement d'attitude notable en ce qui concerne l'habitat humain: la conception sectorielle et les solutions partielles font place à une vision plus globale. Au lieu de limiter la notion de "logement" à la construction de maisons à des prix abordables et à l'amélioration de l'alimentation en eau et de l'assainissement, nous en venons à considérer l'habitat comme un environnement complet, qui favorise l'épanouissement physique, intellectuel et spirituel des hommes et contribue à l'enrichissement de leur vie sociale au sein de la communauté. La Communauté internationale baha'ie souhaite encourager ce processus, tant sur le plan conceptuel que par l'action.
L'apparition, dans le monde entier, de mouvements communautaires de plus en plus nombreux confirme l'opinion de la Communauté internationale baha'ie que l'heure est venue d'instaurer la participation universelle de l'humanité en encourageant les communautés locales à prendre des initiatives et à définir leurs besoins et leurs objectifs. En effet, "les progrès dans le domaine du développement dépendront en grande partie de l'intérêt spontané suscité au niveau des collectivités, et ils devraient être alimentés et orientés par ces sources plutôt que par des plans et des programmes imposés d'en haut."*
Dans le cadre d'une conception du développement des établissements humains fondée sur la participation, la Communauté internationale baha'ie approuve le choix du thème suivant : "La planification et la gestion des établissements humains et, plus particulièrement, des villes petites et moyennes, ainsi que des pôles de croissance locaux", comme étant tout à fait opportun pour cette session de la Commission. En vue de faciliter une discussion sur ce thème, nous proposons les concepts suivants comme essentiels au processus de développement fondé sur la participation, et comme critères pour la "réalisation modèle en matière de logement."
1. "Qui fournit, qui décide?" Toute la problématique de la "planification" tient en fait dans la question suivante : "qui planifie et pour qui?". La gestion peut-elle recueillir le concours de personnes qui n'ont pas participé à la planification? Peut-on séparer la planification de la gestion, comme si la planification n'aboutissait qu'à un simple produit pour laisser la place à la gestion? De même qu'un établissement humain n'est pas une simple donnée matérielle et immuable, mais le produit, en évolution constante, de la vie sociale, de même la planification et la gestion doivent constituer un processus continu. A cette fin, la participation communautaire à tous les stades de la prise de décisions est indispensable.
2. Transition culturelle. L'évolution de nouveaux établissements humains implique que leurs résidents renoncent à certaines traditions culturelles, tout en conservant des valeurs fondamentales; qu'ils abandonnent les valeurs culturelles non essentielles et qu'ils adoptent de nouveaux idéaux et techniques. Un bon environnement permettra à ses habitants d'effectuer cette transition culturelle seuls. L'adoption de nouveaux modèles et la modification des anciens devrait donc être un processus essentiellement local.
3. Structure spatiale et forme physique. En tant que milieux servant de cadre matériel et organisationnel aux activités sociales, les établissements humains prennent une forme physique en fonction de l'apparition spontanée ou de la planification de modèles sociaux et spatiaux. L'aspect extérieur de l'établissement n'est pas sans importance. Plutôt que d'importer des modèles urbains ou d'adopter le concept de "trames d'accueil" anonyme et technocratique, il conviendrait de chercher à mieux comprendre comment les établissements traditionnels se sont structurés et d'en tirer des modèles qui puissent être utilisés judicieusement pour répondre aux besoins modernes. Un modèle réussi favorisera la cohésion sociale, tout en garantissant la liberté des relations sociales, deux conditions nécessaires à une croissance soutenue.
4. Consultation au niveau communautaire. Un établissement équilibré manifestera son unité ainsi que sa diversité. L'un des meilleurs moyens d'encourager les individus à rendre des services créateurs et à participer activement à la vie communautaire, ainsi que de préserver l'unité et le bien-être de l'ensemble de la communauté, réside en l'art de la consultation. Pour que le potentiel humain se réalise entièrement, les méthodes traditionnelles de prise de décisions doivent être transformées par une méthode de consultation fondée sur la participation universelle des membres de la communauté, qui travaillent ensemble à atteindre des buts équitables. Selon les Bahá'ís, l'un des principes qui doit être respecté pour qu'une consultation soit efficace est le suivant : ". . . la consultation doit avoir pour but la recherche de la vérité. Celui qui exprime une opinion ne doit pas la présenter comme étant correcte et juste, mais plutôt comme une contribution à l'entente générale. . .". Au sein des communautés baha'ies, la consultation est extrêmement importante aussi car "la consultation ne sert pas seulement à résoudre les problèmes et à prendre des décisions en fonction des difficultés auxquelles on doit faire face. C'est également le moyen d'échanger et de communiquer des aspirations, de nobles idéaux, des encouragements et un appui mutuel fondé sur l'amour. . ."*
5. La liberté de choix. La possibilité de choix doit exister dans tous les aspects de la vie communautaire : le choix entre les options qui s'offrent a la communauté concernant l'orientation du développement, l'ampleur du changement culturel, le niveau des prix en vue de réduire le coût initial de nouveaux logements, tous choix qui devraient être faits au niveau local en fonction des besoins de la communauté concerné.
Pour assurer une participation efficace au niveau local, il est essentiel que les autorités gouvernementales l'appuient de façon constructive, notamment en établissant un cadre juridique et administratif rationnel dans lequel s'inscrit l'action, et limitent leurs interventions à l'essentiel, pour ne pas étouffer l'initiative locale. La nécessité de renoncer à certains aspects de la planification et du contrôle traditionnel, en accordant aux communautés locales suffisamment d'initiative ainsi que le droit de commettre des erreurs dans leur processus de croissance est importante dans ce contexte.
La Communauté internationale baha'ie est convaincue que les environnements conçus d'après des principes unificateurs et en fonction de méthodes de participation du type examiné plus haut, trouveront en temps utile leurs propres solutions pratiques et techniques aux problèmes concrets qu'ils rencontreront dans le domaine du logement. Des projets de ce type en matière de logement déboucheront sur des modèles viables et reproductibles car ils s'adaptent bien aux différences locales, ethniques et autres particularités culturelles. Les communautés baha'ies, dont le réseau s'étend rapidement, appliquent ces méthodes au niveau local pour mener leurs activités croissantes dans le domaine du développement social et économique. Nous serons heureux de partager ces expériences dans le cadre des établissements humains et de contribuer ainsi au processus d'élaboration de ces modèles.
Par le passé, nous avons accepté l'idée qu'un changement progressif d'attitude devait préparer le terrain pour l'adoption de politiques et pour l'action. Aujourd'hui, le monde entier prend conscience de la nécessité d'élaborer un nouveau modèle de développement. Comme ce processus peut arriver à maturation plus tôt que prévu, nous devrions nous préparer hardiment à aborder une nouvelle phase de changement rapide promettant d'aboutir à l'instauration de conditions plus satisfaisantes pour les établissements humains et pour tous les aspects de la vie humaine. L'instauration de l'unité à tous les niveaux de la société, y compris la famille, qui constitue la cellule fondamentale de la société, est une condition préalable à une solution durable de tous les grands problèmes mondiaux. Il est dit dans les écrits Bahá'ís: "Si l'amour et l'entente règnent dans une famille, cette dernière progressera, deviendra éclairée et s'élèvera sur le plan spirituel. Mais si l'hostilité et la haine règnent dans cette famille, la destruction et la dispersion sont inévitables. Il en va de même pour une ville. Si ses habitants font preuve d'un esprit d'entente et de fraternité, la ville progressera régulièrement et les conditions sociales s'amélioreront, alors qu'avec les dissensions et les querelles elle se dégradera et ses habitants se disperseront. De la même façon, le peuple d'une nation se développe et progresse vers la civilisation et l'illumination grâce à l'amour et l'entente, et il est détruit par la guerre et les dissensions."*
1. Extrait du Rapport sur l'année internationale du logement des sans abri, établi par le Directeur exécutif, à la sixième session du CNUEH, à Helsinki, du 25 avril au 6 mai 1983.
* extrait des écrits Bahá'ís.